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Gérard et Moha… histoire de vie

8 avril, le temps hésite, le soleil garde comme une réserve… Monsieur d’A… est mort. Dans le bourg traversé par la « grand’ route » rien ne change…. Peut-être l’observateur attentif repère-t-il quelques piétons plus endimanchés que d’habitude…

Au fond de la petite rue, autour de la place, une petite masse de gens est là à quelques pas de l’église, autour du monument aux morts. Les vêtements oublient le printemps naissant : le gris, le sombre, le noir. Monsieur d’A… est mort. On parle parce que la vie est là et que, même si on aurait aimé qu’il y ait plus de monde, (accompagner avec respect et affection au tombeau celui qui fut, ici, dans une « seconde vie » secrétaire de mairie de la commune voisine et adjoint pendant des années semble assez naturel) on croise des gens que l’on n’a pas vus depuis quelque temps. Alors, on parle, à voix basse, par petits groupes…

Monsieur d’A… est mort, son épouse est là, plus voutée encore, portant désormais seule le poids de la maisonnée, épuisée sans doute aussi d’avoir accompagné les derniers mois de son mari. Le résistant qu’il avait été, puis le militaire qui s’était engagé sur tous les fronts de la coloniale savait bien que la mort rôdait autour de lui et que, pas plus que nous autres, il ne pourrait lui échapper. Il la voyait s’avancer, il la savait là… Il avait plusieurs fois déjoué ses plans. Ses blessures de guerre ne l’avaient pas emporté, mais il savait que son heure approchait. L’inquiétude se sentait dans ses paroles, pas de la mort pour lui, et à quatre vingt dix ans passés, c’est l’ordre des choses, mais peur pour ceux qui allaient rester…

Nous étions là, pour lui, pour elle, pour eux, trois.

Un peu à l’écart, ils sont là. Il est là, Moha. Il flotte un peu plus au fil du temps dans son éternel pardessus. Sa petite calotte blanche en tricot couvre le haut de ses cheveux encore noirs. Ses yeux noirs, toujours encadrés d’un sourire que le temps a figé dans des rides profondes, sont moins pétillants qu’à l’accoutumée. Sa femme se tient à côté de lui, le visage moins ouvert que d’habitude, ses tatouages croisent ses rides plus marquées… Il parle avec un de ceux qui l’ont employé. Ils sont là depuis longtemps. Il a gagné le quotidien de sa famille dans les vignes et les vergers… Ils ont fait leur petite maison ici… Des enfants sont nés ici, se sont mariés … Monsieur d’A… était, comme quelques autres du village, invité au mariage de leur fille. Quelle fête !

Les anciens combattants démarrent la cérémonie. Monsieur d’A … est mort. Son cercueil, recouvert du drapeau tricolore entre dans l’église. Tous suivent, ceux qui croient au ciel comme ceux qui n’y croient pas…

Quelques uns vont rester dehors quand même, c’est sûr. Les vieilles mains de Moha et de sa femme se trouvent sans se chercher. Moha marche mieux qu’elle, ou plutôt moins mal. Il l’aide à monter les marches de l’église, ils vont rester au fond. D’un geste prévenant, il avance une chaise pour elle. Ils vont suivre ce rite qui n’est pas le leur. Qu’importe…

Monsieur d’A est mort.

À propos de jllamaurelle

Enseignant, formateur, passionné et gourmand de la vie

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